L'être humain est un palais somptueux et précieux, articulé, noble et habité par différentes entités et représentants, tous avec leur énergie et leur rôle spécifiques. Selon ce schéma, on peut imaginer le cœur (élément Feu) comme le jeune seigneur de ce palais, l'empereur, jeune, inexpérimenté, mais impétueux, passionné, extraverti, brillant, génial et avec un grand enthousiasme pour la vie. En raison de son inexpérience, l'empereur est conscient que la paix, la prospérité et la sécurité du souverain, de sa famille et de son royaume dépendent de la vigilance et de l'efficacité des gardes, des conseillers et des ministres qui l'entourent.
Dans ce royaume "virtuel", il y a deux trésoriers, les reins, réputés pour leur sagesse et pour leur prévenance exemplaire et prudente. Entre leurs mains, en effet, est gardé le Trésor de la Couronne. Ils sont les seuls à en connaître exactement la portée et l'ampleur, c'est pourquoi leur tâche est d'une importance extrême et vitale.
Le cœur : qu'est-ce qu'il est ? Que fait-il ?
Notre cœur est, donc, le Souverain Absolu, c'est lui qui a la vision, qui porte en lui le Shen, la substance Yang, liée au Ciel et au Sang, qui garde en nous l'intention et la direction, la valeur et l'essence du sentiment, qui fixe les objectifs en fonction de ses propres valeurs et de ses rêves. Ses véritables intentions sont profondes, parfois inconnues même des conseillers, et viennent de loin : de son propre Ciel le plus élevé. Conseillers, généraux, ministres et trésoriers travaillent dur, chaque jour, pour le défendre des dangers extérieurs comme de ses propres choix.
Le souverain décide qui et quoi survit, qui et quoi doit mourir, dicte les temps, les règles, les priorités, les urgences, dirige les danses. Il reste en contact direct avec ses nobles ancêtres, placés dans le Ciel antérieur, et laisse la tâche à ses conseillers, généraux, trésoriers et gendarmes, de s'occuper de toutes les autres activités utiles à l'Empire. Pour entrer en contact avec ses sujets et les conseillers eux-mêmes, il fait appel à un ministre spécial, chargé des communications avec l'intérieur.
Ses pieds ne reposent pas toujours sur le sol, son regard va dans toutes les directions, son désir est pour le Front Ciel et il est concentré sur la tâche que lui ont confiée ses ancêtres. Il garde et porte en lui le Shen, l'Esprit suprême qui - unique dans l'Univers - anime, dirige et donne vie à son Palais. Le Shen agité nous fait perdre sens et présence, perturbe notre sommeil et notre lucidité, émotionnel et logique.
Si le Shen est peu ancré, il aura tendance à nous rendre évanescents, peu concluants, illogiques ou apathiques, bloqués, arides ou fermés sur le plan sentimental. Un Shen agité "s'envole" vers son Ciel, le Feu s'enflamme et le Cœur perd contact avec la Terre, avec le Corps, avec son Jing, avec la substance Yin par excellence, l'Eau, qui est la seule chose qui puisse le ramener au fond de la Terre, apportant équilibre et donc bien-être, à l'Empereur, ainsi qu'à toute sa Cour. Malgré ce contact direct avec la sagesse de ses ancêtres, le Souverain est animé d'un grand désir d'expérimenter, de connaître et de voyager, il aspire à l'amour, à l'amitié, à la communication profonde, il garde en lui la fraîcheur et l'élan de la jeunesse, la naïveté, le courage, la volonté et l'insouciance de ceux qui veulent vivre leur vie dans sa totalité et sa plénitude et n'est pas habitué à considérer les conséquences, les erreurs, le gaspillage, les folies typiques de la joie de vivre avec laquelle le Cœur résonne.
Les reins : garde-fous protecteurs du corps
Les reins sont nos plus précieux trésoriers, ceux qui gardent, entretiennent, préservent et chérissent notre Jing, la réserve d'or au fond des donjons du Palais, pour l'utiliser en période de croissance, de crise ou de transition. Le Jing est la substance fondamentale qui permet au souverain de s'incarner, de vivre, d'aimer, de procréer et de jouir de tous les dons que le corps offre au cours d'une vie et qui est conservé dans les reins.
Contrairement au Qi, le Jing n'est pas renouvelable, reproductible ou multipliable, chaque souverain en possède une certaine quantité (offerte par le Ciel avant l'aube de son existence) et n'est pas toujours conscient ou intéressé par la quantité de Jing mise à sa disposition. D'autre part, c'est la vie elle-même qui consomme notre Jing et très peu nous est donné pour contrôler ou ralentir sa consommation, qui reste inévitable. A l'épuisement du Jing, le corps meurt et le Shen s'échappe du Palais pour retourner auprès de ses ancêtres, dans le Ciel antérieur. Au fond des Eaux Denses des Reins est, donc, gardé un trésor précieux pour notre survie, et nos deux Trésoriers ont la tâche sacrée de le préserver, en le mesurant avec soin et parcimonie, pour le bien de tout le Palais.
Le rein est donc la profondeur, la conservation et l'accumulation de la vie. Le rein résonne de la peur. Fidèle et précieux Trésorier de l'Empereur, le Rein exprime la prévenance et la sagesse de ceux qui préservent et calculent, les forces et les possibilités, les ressources et l'énergie, indispensables pour réaliser la volonté de l'Empereur et maintenir le Palais entier dans le bien-être. Le Rein, s'il était nécessaire, pourrait ramener son Souverain à ses limites, même de façon providentielle, et ce sens de la limite pourrait se traduire par une résistance, ou il pourrait conduire à la peur de vivre, de procréer, de risquer, d'expérimenter, de s'ouvrir, d'aimer.
Les liens subtiles entre le cœur et le rein
Reconnaître la voix du Cœur ou du Rein, en nous, n'est pas si difficile. Le Cœur - le Shen, l'Âme, aspire à se rouler dans la boue de la vie, sans se poser de questions ni s'épargner d'aucune manière, son but est d'acquérir de l'expérience, tout le reste n'a aucune importance pour lui, même le bien-être au sein de son Palais ne lui importe pas tant, il s'en soucie à peine.
Le Rein connaît très bien les besoins à l'intérieur du Palais, mais il est déterminé à enraciner la volonté de son Souverain, en calibrant, dosant les forces et les opportunités. En tant que trésorier, il connaît et évalue constamment les ressources disponibles et crée une médiation, entre le Ciel et la Terre. Lorsque le Rein est épuisé ou lorsque sa tâche devient lourde ou que le Jing qui le compose fait défaut, il conduit son Souverain à la peur et à la fermeture.
Notre existence est, donc, une médiation continue, un dialogue constant à travers cet axe précieux et délicat entre le cœur et le rein. Là où le cœur voudra nous emmener en voyage, pour faire des expériences fortes, aventureuses, dérangeantes et excitantes, le Rein nous fera réfléchir et réfléchir aux ressources économiques, à la famille, au travail et aux problèmes physiques.
Là où le cœur voudra nous conduire à vivre sans freins ni résistance, sans peurs ni a priori, toute aventure sentimentale, le Rein nous rappellera les souffrances du passé, les données réalistes plus ou moins objectives, le risque douloureux d'une perte ou d'un abandon éventuel, le confort de la solitude. Là où le cœur voudra nous emmener pour vivre la sexualité avec liberté et avec la volonté totale de procréer, le Rein monétisera en détail les efforts de ces précieuses joies. Là où le cœur tendra à nous faire fantasmer dans les nuages de son Ciel, le Rein nous appellera à la nécessité d'enraciner et de concrétiser les intentions les plus courtoises. Là où le cœur voudra que nous exprimions des opinions, des sentiments et des valeurs, consommant la voix, l'énergie et la passion, le Rein nous ramènera au bien-être du palais et nous demandera si cela en vaut vraiment la peine.
Et tandis que ces précieux esprits dialoguant avec nous exprimeront la danse de notre vie, le Jing que nous avons apporté avec nous sur cette Terre, comme un cadeau précieux du Ciel antérieur, nourrira chacune de nos cellules. Notre choix : vivre ou se garder ? Est-ce que je m'exprime ou est-ce que je réprime ? Est-ce que j'aime ou est-ce que je m'en vais ? Est-ce que je me disperse ou est-ce que je me garde ? Cette dialectique représente, donc, un pilier fondateur de la médecine traditionnelle chinoise, tant dans ses aspects diagnostiques que thérapeutiques.
Écrit par Enrico Sassi